THE END

(sur la fin)

Quand ma misère personnelle arrivera et elle me cligne de l’œil en ce moment très fort, de façon ostensible et vulgaire, comme prostituée camée et sordide au coin des bas-fonds de mon âme, je ne serai pas en mesure de supporter la misère même partielle… celle même que je sais que la plupart d’entre nous supporte tant bien que mal.

Je n’ai rien d’un Winner, d’un compétiteur, d’une machine à résoudre les problèmes. Je déteste les rouages, les conflits, j’abhorre toute situation d’esclavage, de soumission à quoi que ce soit, surtout à des systèmes, plus qu’à des gens. Je trouve les enthousiasmes entrepreneuriaux, tous ridicules, vendre, croître, vouloir toujours plus… et pour quels résultats humains et environnementaux puisque vous y êtes...

Je hais la misère pour moi-même qu’elle soit financière ou intellectuelle. Je n’ai pas honte de la misère des autres. Je n’ai honte que de mon propre asservissement à des causes extérieures sans plus de fondement que ma réalité propre.

Il ne faut pas rêver d’argent pour que je m’en sorte. Je n’en aurais jamais assez pour m’affranchir. Le prix de l’affranchissement s’est envolé. Tous faussement libres de produire jusqu’au dernier souffle ou presque…

Je maudis la matérialité qui nous rend vils. Je maudis mon corps et ses besoins crétins par lesquels je dois au fabriquant de yaourt ces quelques euros qui font tourner son monde.

Je n’aurais jamais assez d’argent pour m’affranchir de ces besoins tels des malédictions à en pleuvoir qui donnent la carotte à qui avance comme un âne.

Je maudis aussi la sexualité qui de temps à autre me fait ramper…

Je n’aurais jamais assez d’indépendance pour m’affranchir de ces systèmes, et du cannibalisme social.

Je suis seul face à tous empêtrés dans des discutailleries de comptoirs, et des actions illusoires. Je bâille à tous vos mots.

On nous opposera que la réalité ceci cela… la réalité n’est pas faites de réalité…

Elle est faite et sera faite de ce que nous en faisons au niveau humain, de la bienveillance que nous y mettrons, et de l’abnégation…

Nous pouvons nous passer de tellement de choses mais pas des autres. La matérialité gagne du terrain, nous devenons des objets nous-mêmes.

Pourris dans un système pourri voilà notre avenir à moyen terme. Plongé dans la merde 24/24, peu de chance de sentir la rose en fin de journée.

Le temps pour penser est mort. Le temps du recul est venu. Je me détache de ma mère sociale. Je ne suis à personne. Je suis un fou sensé.

Je fustige les spécialistes de la pensée. Je fustige les historiens de la pensée, les politiques qui tous savent mieux que moi ce que je dois penser, ou plutôt ce qu’il est noble de dire et de concevoir.

Voyez où nous en sommes. On nous fait peur avec des hommes de pailles. On nous promet la misère si on apprend pas à se taire, à se ranger à la volonté de ceux qui nous crèvent à petit feu, qui sont cela même qui nous donnent la becquée et nous accorde notre propre valeur sociale.

Je n’ai pas ma place dans cette société de dingues. j’ai été mis sur la touche. On m’a endormi. Je sens le vent tourner. Et ma révolte me ronge à nouveau. Je me débats comme dans un sac de bure au fond de la mer. Je suis un exilé. Je suis un migrant perpétuel. Il n’y a aucun accueil possible pour moi, aucune terre possible.

C’est la guerre perpétuelle de celui qui a été jeté en pâture à ce monde et qui tient un tant soir peu à sa peau, par instinct et plus encore à sa liberté. Car sa liberté c’est sa peau même. C’est le sens et le reste. Il n’y a rien d’autre à arracher au néant. Penser ce que l’on veut, non pas faire ce que l’on veut, ne pas être assujetti à sa faim, à son sexe, à autrui, à un système, c’est tout ce qui nous fait être homme parmi les meubles.

A mon fragile équilibre, succéderont toutes les transgressions.

J’y perdrai tout mais pas moi-même. Même dans la solitude. Je suis prêt à tout perdre. Car je n’ai rien à perdre, et ce sont les autres qui me perdront, ma famille, mon fils, la société, les hommes. La tristesse sera unilatérale et multiple.

Qu’importe… les hommes se privent des hommes sans broncher. Car les hommes sont interchangeables réduits à des fonctions. La plupart des gens se comportent comme des machines voire comme des bibelots. Ils trouvent place et valeur dans une société malade comme la nôtre qui leur accorde une valeur d’échange.

Pendant que la prostituée ne vend que son corps, la société nous demande de « savoir nous vendre » !

J’en ai assez en cette période de donner le change à des coquilles vides. Ce soir j’ai envie de chier des guirlandes pour tous les sapins du mondes…

Voilà j’ai franchis la ligne… j’attends…