Ma vie de légume heureux
Ma vie de légume heureux
« A huit ans, je rêvais encore d’être agréé comme plante » Henri Michaux
Les valeurs que j’estime positives je ne les fuis pas. Je ne suis pas de ceux qui ne s’aiment ni n’aiment personne qui pérorent et veulent briller plutôt que de n’être rien dans une liberté inconcevable, celle d’être libre de ne pas être… de ceux qui regardent les gens bercés d’illusions avec la haine de la frustration parce que lucide comme le macchabée et jaloux de ne pouvoir rêver mieux.
On cherche toujours à être, toute sa vie. Or il n’est rien de plus simple car c’est le chemin le plus court qui mène à soi. Pour ça, il faut désapprendre copieusement, se démanteler. On se poursuit toute une vie, à vouloir être celui qu’on projette devant, toujours devant et qui tient la carotte. Or on n’a pas besoin d’être.
Mieux vaut se sentir confortable dans son « soi-fauteuil » confortablement installé pour regarder le monde s’agiter, débattre, se battre, se débattre.
Socialement, on veut la carotte, et à mesure qu’on avance elle nous précède. Toujours, et à l’infini. A quoi bon ?
A quoi bon être ? Et pour qui ?
Je me laisse aller. Je me laisse glisser vers moi-même. Je n’ai besoin ni d’ambition, ni de stimulant, ni de drogue, ni de vous, ni de rien. Le minimum vital suffit, en biens matériels comme en affection.
Aujourd’hui, et depuis plusieurs années déjà, je vis serein. J’ai accepté d’être moi-même face à tous les « mieux » possibles, à tous les modèles, à toutes les humiliations. J’ai accepté d’être la dernière roue du carrosse. Ça n’est jamais qu’être le premier à l’envers mais ce, sans ambition.
Pas de performance, pas de surhomme, pas de mieux… Je suis fantomatique, transparent. J’ai apprivoisé le petit, non pas le mesquin, mais la mesure de ma vie. Je fais l’économie du « toujours plus ». Je vis avec ce que j’ai, moralement, physiquement, etc. Je n’ai aucune intention de me dépasser. Pour aller où ?
Certains diront que je me fous de tout ce qui est absolument faux. Je regarde seulement ma vie comme un témoin. Elle se joue devant moi. Tantôt j’applaudis, tantôt je pleurs. Mais tout n’est que fiction.
Certains diront que je me fous de tout ce qui est absolument faux. J’aime les gens. J’aime plaisanter avec eux, partager ma joie de vivre, parfois leur donner les clés de leur porte qu’ils ne savent pas déjà ouverte et qu’il leur suffit de franchir. J’aime la vie et des tas de choses m’intéressent. J’apprends la programmation informatique pour le fun. J’aime la musique, la composition musicale, lire, écrire, me cultiver. J’aime suivre l’actualité et réfléchir à ma position de citoyen. Je ne me désintéresse pas de tout. Je vis ma vie en sachant qu’il ne faut rien en attendre.
Face à l’adversité je suis mou. Je me laisse couler. Je refuse de lutter pour la survie et encore plus pour servir une autre cause que la mienne. Il ne s’agit pas de verser dans l’individualisme, alors même que tout le monde s’y trouve, mais de ne céder au malheur sous aucun prétexte, à toutes ces morales qui s’y attachent. C’est vivre heureux ou mourir ! Lorsqu’on est mal dans sa vie, on pollue les autres. Et pour soi-même c’est l’enfer. Qui est gagnant ? Personne ! Ce n’est ni moral, ni bénéfique.
Je suis une petite chose insignifiante, parmi une plus nombreuse qui est l’humanité... toute aussi insignifiante. Nul n’est besoin de haïr ou d’aimer trop fort.
Le deuil est partout. Il faut s’habituer à voir les choses et les gens disparaître. Il faut s’habituer à perdre. J’en suis même à un stade supérieur où j’ai accepté d’être un looser mais sans mépris pour moi-même.
Il faut être, non pas le plus détaché possible, mais le plus conscient du caractère éphémère de notre existence. C’est pour cela qu’il n’y a rien de fondamentalement important excepté son propre bonheur qui va de pair avec celui des autres…