La valse des fanatiques
Convictions, valeurs, religion, et tout sentiment de possession d’une idée, l’attachement sans détachement possible, est la matière première du fanatisme.
On se croit tous tellement moraux, et tellement juste que l’introduction d’un simple doute systémique dans les rouages bien huilés de la certitude provoque des réactions épidermiques et violentes.
Nous pensons être juste du seul point de vue de notre situation personnelle. Or nous cohabitons avec des myriades de situations personnelles qui valent bien la notre. Il n’y a pas de hiérarchie des valeurs lorsqu’il s’agit de vies humaines. En bref, une vie en vaut une autre, et davantage lorsque celles-ci se trouvent dans une certaine norme. Ce qui est bon pour tous, pour l’autre dont tu ignores tout ou presque, c’est à chacun de l’évaluer. Autrement dit tes convictions politiques, morales, qui ne sont pas les miennes, tu n’as pas à me les imposer, de même que ton modèle de vie.
Nous sommes déjà dans un système (démocratique) qui vise à favoriser le modèle idéologique du plus grand nombre sur d’autres modèles. Il y a une domination idéologique qui conduit les esprits de la nation, une sorte de courant de pensées qui charrie ou du moins pousse toute idée vers un but commun en excluant le reste des gens. C’est le meilleur système que nous ayons trouvé. L’un voire le plus équitable…
Individuellement, la tolérance envers d’autres interprétations devrait être de mise. Le fait qu’il y ait une autre vision du monde devrait au minimum nous interroger, et établir la possibilité d’un doute. Pour le moins, nous devrions considérer cette altérité qui fait que nous ne sommes pas Un alignés sur l’incarnation d’un but mais multiples. Et avec ça, il y a même autant de nuances que d’être humain, chacun avec une vision qui lui est spécifique.
La tolérance c’est d’abord la reconnaissance de l’altérité. En d’autres mots : je ne suis pas tout seul sur terre, et quand bien même nous serions plusieurs à penser la même chose, même majoritaire, nous avons toujours tort d’annihiler la diversité, l’altérité qui constitue sans doute le miroir de notre idéologie. Elle permet, cette altérité de mettre à distance raisonnable ce que nous pensons de manière à n’être pas totalement aspiré, absorbé dans un aveuglement sans retour dans lequel tous les débordements, toutes les violences sont possibles.
Aujourd’hui, les partisans sont décomplexés, sous-entendu, ils osent tout. Il ne s’agit pas d’une honnêteté qui manquait jadis, mais bien d’une violence qui s’exprime à l’égard de l’altérité. L’autre, la différence, est raillée, insultée, etc. On vit dans une nation qui a perdu surtout de sa subtilité de pensée et son humanisme. L’humanisme ne peut se passer de l’altérité qui est le fondement de toute société civilisée et libre. La liberté à la française s’est perdue dans ce qu’on appelle aujourd’hui « les valeurs », l’attachement à des principes liés à des idéaux en forme de cul-de-sac et qui ne trouvent pas forcément écho dans la réalité, ni même ne sont en conformité avec l’idéal poursuivi.
Tant que nous nous considérerons plus important qu’autrui ne subirons la violence relative.
Je suis bien conscient que la tolérance constitue un idéal. Toutefois, c’est aussi une question de survie sociale, et de ce point de vue j’ai toujours l’esprit pratique.